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Petite histoire de la bière belge

Au XIIIe siècle, les moines belges découvraient l’art du brassage de l’orge fermenté en incluant du houblon. On peut dès lors parler de bière et non plus de cervoise. C’est à cette époque qu’apparaissent les premières vraies brasseries, liées aux monastères. Au XIe siècle, la première corporation de brasseurs au monde voit le jour à Affligem (non loin de Bruxelles). Le malt fait alors son entrée dans le monde de la bière. Cette orge germée, puis séchée, voire grillée, devient essentielle dans le phénomène de fermentation. Les moines cisterciens se mettent aussi à l’œuvre et la première brasserie monastique voit le jour à Villers-la-Ville (sud de Bruxelles). Les brasseries se multiplient dès le XVe siècle. Au siècle suivant, le roi de France octroie aux brasseurs un titre de « juré » qui leur donne le droit d’exercer leur profession. La Maison des Brasseurs, sise sur la Grand-Place de Bruxelles, date de cette époque.

Après avoir vécu l’industrialisation du milieu brassicole, la disparition progressive des brasseries (de 3 300 environ au début du XXe siècle à 140 à la fin de celui-ci), la Belgique connaît un renouveau brassicole amorcé avec le nouveau millénaire. Bruxelles n’est pas en reste de ce côté. La capitale, qui a bien failli ne plus connaître aucune brasserie sur son sol, a vu naître à cette époque l’engouement d’un public de niche étranger pour les bières de fermentation spontanée (un type de bière qui n’existe que dans la capitale belge et dans la vallée de la Senne, toute proche). La brasserie Cantillon, qui jusque-là vivotait et pas toujours facilement, en a tiré parti et a assuré sa pérennité. Dans le même temps, d’autres beaux projets individuels ont vu le jour, comme la naissance de la Brasserie de la Senne ou Brussels Beer Project.

Il existe désormais plus de 300 brasseries en Belgique (chiffre en évolution constante) et la bière belge est inscrite au patrimoine de l’UNESCO depuis 2017 ! Et si aujourd’hui, on trouve plus de 1 500 bières différentes, il est difficile de tenir le compte entre les bières dites « d’étiquette » et les brassins spéciaux.

Les fermentations spontanées

Concernant la fermentation, il existe trois grandes catégories de bières : les fermentations dites « basses » (essentiellement les bières de type « pils » ou « lager »), les fermentations « hautes » (quasiment toutes les autres variétés de bière : blanches, brunes, bières d’abbaye, bières trappistes, …) et les fermentations « spontanées ». Cette dernière catégorie est donc spécifique à Bruxelles et ses environs. Ainsi, les bières de fermentation spontanée sont des bières acides dont les plus connues sont les gueuzes. Le moût entre en contact avec l’air ambiant, la fermentation est alors dite spontanée avec des micro-organismes naturels dans l’air, que l’on trouve plutôt dans la région de Bruxelles. C’est de ces brasseries qu’est issu le lambic, composé à 60 % d’orge malté et à 40 % de froment cru. Puis il est brassé avec du houblon suranné, véritable matrice des gueuzes, krieks (des lambics à la cerise) et faros (au sucre candi). Après plusieurs mois de fermentation, l’ensemble est ensuite conservé durant un, deux ou trois ans dans des fûts en bois. Parmi les brasseries représentatives du genre, Cantillon à Anderlecht (citée plus haut) et dans les environs immédiats de Bruxelles : Oud Beersel et 3 Fonteinen (Beersel) ou encore Boon (Lembeek). On peut citer aussi les brasseries A la Mort Subite (Kobbegem) ou Timmermans (Itterbeek) au caractère plus « grand public ». Sans oublier la célèbre brasserie Belle-Vue (Sint-Pieters-Leeuw). Si celle-ci a quitté Bruxelles définitivement en 2008, elle était implantée à Molenbeek en bordure du canal. Son fondateur, Constant Vanden Stock, fut également le président du Royal Sporting Anderlecht qu’il plaça sur la scène européenne. La brasserie Belle-Vue appartient au géant AB Inbev depuis 1991.

Bruxelles aura son temple de la bière... bientôt

La capitale belge compte déjà trois pittoresques musées sur la boisson nationale. Mais les Brasseurs belges souhaitent une vitrine plus clinquante pour présenter de manière interactive le monde de la bière. En septembre 2013, les autorités communales et régionales ainsi que la fédération des brasseurs dévoilent les premiers contours d'un plan destiné à transformer en un temple de la bière le Palais de la Bourse, imposante bâtisse du XIXe siècle, de style néoclassique, sise en plein cœur de Bruxelles. Même si l'appellation n'est pas encore définitive, la machine est lancée, et les premiers coups de pelle sur le site... après quelques retards, les travaux ont débuté pour une inauguration programmée au printemps 2023.

Les étages devraient abriter notamment des espaces d'expériences de la bière belge, un café-brasserie, un centre de séminaires et un commerce spécialisé dans la vente de bières. Le rez-de-chaussée sera aménagé en galerie publique traversant l'ensemble de l'édifice. Les travaux seront aussi l'occasion de rénover le site archéologique Bruxella 1238. Vingt millions d'euros seront nécessaires pour mener à bien le projet. Mais tant les responsables du tourisme que les brasseurs se frottent les mains à l'idée que le lieu devienne un incontournable des attractions de la capitale, avec un potentiel de 400 000 visiteurs par an. De quoi en faire l'un des endroits les plus populaires de Bruxelles après l'Atomium.

En attendant, il est toujours possible de visiter la maison de la corporation des brasseurs installée au XVIe siècle, lors de sa fondation, dans cette superbe maison sur la Grand-Place, appelée l'Arbre d'Or. Les guerres de Louis XIV dévastèrent les Flandres et la corporation la reconstruisit après qu’elle fut bombardée en 1695. On y découvre les techniques du brassage : ustensiles, cuves de brassage et de fermentation ainsi qu’un centre de la haute technologie en brasserie.

La Grand-Place est aussi le théâtre du Week-end des Brasseurs belges, le rassemblement des brasseurs belges et de la Chevalerie du Fourquet. Une cinquantaine de brasseries participantes qui voient défiler près de 80 000 visiteurs en trois jours (premier week-end de septembre). Pour les visiteurs plus puristes, le Musée Bruxellois de la Gueuze est implanté au sein de la brasserie Cantillon (Anderlecht). La famille Van Roy aime à qualifier son musée de vivant, tout comme le sont les micro-organismes qui interviennent dans la fabrication du lambic. Le visiteur est plongé dans un matériel brassicole ancien, encore utilisé de nos jours.

Lambic, gueuze, kriek... le choix est vaste

Autour de la Grand-Place et dans les rues voisines, Bruxelles regorge de bistrots et estaminets typiques. On en retrouve une belle sélection dans ce guide, mais on peut citer, pêle-mêle, le Poechenellekelder, la Rose Blanche, la Bécasse ou encore le Moeder Lambic. Et pour une information complète sur le lambic et les fermentations spontanées, n’hésitez pas lors d’une escapade à quelques kilomètres de Bruxelles à découvrir le centre d’interprétation « De Lambiek » à Alsemberg. Soutenu par la commune de Beersel, la Région flamande et le Haut conseil pour les bières lambics artisanales (HORAL), ce centre pour visiteurs plonge le public dans les goûts, les arômes, les sons et la texture du lambic, spécialité typique de Bruxelles et de la région. Après s’être documenté sur la fermentation spontanée, on peut y déguster quelques produits des onze membres de l’HORAL à discrétion. Il ne s’agit pas d’un musée en tant que tel. C’est plutôt une manière d’expliquer aux gens ce qu’il se passe dans la vallée de la Senne sur le plan brassicole et de les inviter à découvrir les brasseries des environs.