Isaac Albeniz © Prachaya Roekdeethaweesab - Shutterstock.com.jpg
Palais de la musique catalane ©  Murphy1975 - Shutterstock.com.jpg
Plafond de vitraux du Palais de la musique catalane © Heracles Kritikos - Shutterstock.com.jpg
Palais de la musique catalane © Sopotnicki - Shutterstock.com.jpg
Teatre del Liceu © Kiev.Victor - Shutterstock.com.jpg
DansLa sardane est la danse traditionnelle de Catalogne © Berna Namoglu - Shutterstock.com.jpg
Primavera Sound © Christian Bertrand - Shutterstock.com.jpg

La musique classique et les racines catalanes

À la fin du XIXe siècle, la musique espagnole, dominée depuis plus d’un siècle par la musique italienne, a connu un nouveau souffle, inspiré des richesses offertes par son folklore. Pendant que la noblesse et la bourgeoisie s’intéressaient à l’art lyrique et au bel canto, le peuple avait conservé ses traditions intactes. Ainsi, les zarzuelas (de petites comédies musicales) possédaient toujours leur public, un public bien différent de celui des conservatoires. Le retour à la tradition va s’affirmer dans le dernier quart de siècle, au détriment de l’art académique, trop éloigné de l’âme du pays.

Le nationalisme en musique. La période comprise entre l’Exposition universelle de Barcelone, en 1888, et les années 1950 est particulière importante dans l’histoire musicale de la Catalogne : Le Palais de la Musique Catalane est achevé, la programmation lyrique et symphonique du Gran Teatre del Liceu est devenue une référence et de nouveaux compositeurs apparaissent tels qu’Enrique Granados, Isaac Albéniz, Miguel Llobet ou encore Pau Casals. Ils seront les meilleurs représentants d’un nationalisme musical, basé sur une nouvelle façon de concevoir l’apport de leur terre natale. À cette époque, la société toute entière se métamorphosa autour de la musique. Isaac Albeniz va parvenir à proposer un art raffiné à partir de motifs d’inspiration populaire, sans en affaiblir le sens et en les rendant « purifiés musicalement et ennoblis moralement. » Avec Iberia, Albeniz signe son chef-d’œuvre. Douze pièces innovantes techniquement et d’une vitalité et d’une imagination débordante, qui ouvrent la voie aux futures conquêtes pianistiques du XXe siècle par Messiaen ou Boulez. Enrique Granados est quant à lui surtout connu comme pianiste. Il écrit de nombreuses œuvres pour le piano dans un style postromantique à l’image de Grieg, et ses Danzas espanolas lui confèrent une grande popularité. Il fonde aussi l’académie Granados, une école de piano particulièrement renommée. Sans appartenir au registre des musiciens folkloristes, Federico Mompou est tout imprégné de l’ambiance de la musique populaire catalane, dont il reprend le dépouillement dans ses œuvres. Sa musique, entre consonance et dissonance, s’est épurée au fil des années pour retrouver l’esprit des primitifs de la composition, avec des thèmes d’une grande simplicité.

Des interprètes de génie. Pianiste émérite, ami de Ravel, Debussy et de Manuel de Falla, qui lui dédia sa Nuit dans les jardins d’Espagne, Ricardo Viñes fut un ardent défenseur et diffuseur de cette avant-garde musicale tant française qu’espagnole. Celui-ci a tenu pendant une vingtaine d’années son journal, témoignage important de la vitalité musicale et artistique de son époque, où la capitale culturelle qu’est alors Paris s’enivre d’exotisme (japonisme, mais aussi espagnolisme). Bien après lui, la Barcelonaise Alicia de Larrocha fera de nombreux enregistrements de ses aînés, notamment de Granados, Albeniz et Mompou, et connaîtra une carrière d’interprète internationale maintes fois récompensée.

Influencé par la musique flamenco et les chansons populaires, Miguel Llobet est connu pour ses arrangements sophistiqués à la guitare du répertoire populaire catalan de chansons et de danses. On lui doit les premiers enregistrements de guitare classique, réalisés dès 1925. Francisco Tárrega est un autre guitariste de génie qui composa ses plus belles pièces après son installation à Barcelone en 1885.

Citons encore Pau Casals, un virtuose du violoncelle, mais aussi grand défenseur de la paix. C’est un personnage emblématique de la culture catalane et sa mémoire est perpétuée à la Villa Casals (la maison de l’artiste devenue un musée) à El Vendrell (Costa Daurada), sa ville natale. Une salle de l’Auditori lui est également dédiée.

Au registre des interprètes incontournables, citons encore le concertiste et pédagogue Jordi Savall. Armé de sa viole de gambe, il a contribué à la revalorisation de la musique baroque, aidé en cela par le succès du film Tous les matins du monde d’Alain Corneau, dont il enregistre la bande originale, et par les interprétations reconnues de sa femme Montserrat Figueras.

Autre grande diva barcelonaise, Montserrat Caballé, « La Superba », s’est éteinte en 2018 dans sa ville, après avoir régné sur la scène lyrique pendant plusieurs décennies. La soprano était remontée une dernière fois sur la scène du Gran Teatre del Liceu, là où la elle avait fait sa première apparition en public en 1962.

Des salles de premier plan. Le Gran Teatre del Liceu, inauguré en 1847 et dont les portes s’ouvrent sur les Ramblas est l’un opéras les plus prestigieux du monde. Il a survécu à deux incendies majeurs, le dernier en 1994, et a vu défiler sur ses planches les plus grands interprètes de l’art lyrique.

Le Palau de la Música Catalana est trop souvent oublié des touristes, pourtant c’est un monument magnifique créé par l’architecte Lluís Domènech i Montaner, un architecte catalan moderniste. La conception de la salle a été particulièrement travaillée et le son y est d’excellente qualité. La salle peut accueillir jusqu’à 2 500 personnes. Elle a vocation à présenter tous les types de musique, du jazz au flamenco, tout en privilégiant les belles affiches de musique classique.

Dans le bâtiment de l’Auditori à l’architecture remarquable et à l’acoustique parfaite, vous trouverez des concerts de haut niveau dans tous les genres, à l’écart des circuits touristiques classiques. L’école supérieure de musique de Catalogne y est aussi installée.

La sardane : une danse traditionnelle

Autre marqueur de la tradition et de l’identité de tout un peuple, la Sardane est la danse traditionnelle de la Catalogne. Interdite par Franco, elle conserve une dimension politique forte à laquelle tout un peuple se rattache. Celle-ci se danse en cercle fermé, au rythme d’un ensemble instrumental appelé cobla. Les danseurs se donnent la main et effectuent une série de pas assez simples, d’avant en arrière et de gauche à droite. Ils sont chaussés d’espadrilles lacées typiques, indispensables pour la pratique de la Sardane. Pour voir un spectacle, rendez-vous sur la place de la Cathédrale de Barcelone les samedis à 18h et les dimanches à 11h15.

Un théâtre accessible

La programmation des théâtres de Catalogne est particulièrement variée, des auteurs classiques aux œuvres résolument modernes. Conçu par Ricard Bofill, le Teatre Nacional de Catalunya est un grand bâtiment en forme de temple grec. Sa programmation oscille entre le théâtre classique et la dramaturgie contemporaine, avec pour ambition de développer la culture auprès du plus grand nombre et notamment le patrimoine théâtral catalan. Autre lieu emblématique, la Sala Beckett axe tout son travail sur la promotion de la dramaturgie contemporaine avec également une mise en avant des auteurs catalans. Le lieu est aussi réputé comme centre de formation. Théâtre populaire, le Teatre Romea a accueilli les plus grands auteurs classiques comme Rusiñol, Guimerà ou Sagarra. En dehors de Barcelone les théâtres de Valls, de Girona ou de Sabadell offrent aussi des programmations de qualité.

Au rang des troupes théâtrales de renom, citons la Fura dels Baus, une compagnie pluridisciplinaire et avant-gardiste qui mêle depuis les années 1970 le théâtre, l’opéra, la technologie et l’expérimentation pour des spectacles grandioses reconnus dans le monde entier.

La Rumba catalane

La musique en Catalogne c’est aussi la rumba catalane, issue de la fusion du flamenco et de la musique afro-cubaine. La guitare y tient une place majeure avec des coups portés, telles des percussions, sur la caisse de l’instrument tout en bloquant les cordes. Manu Chao a, depuis quelques années déjà, le projet d’un album de rumba catalane dont les chansons seraient déjà composées. Ce qu’on appelle aujourd’hui dans le monde entier la rumba catalane est un style musical inventé à la fin des années 1950 par les gitans des quartiers pauvres de Barcelone. En se familiarisant avec les sons nouveaux de la salsa et les rythmes des îles des Caraïbes et d’Amérique latine, ils ont adopté ces nouveaux sons, tout en conservant la plainte rauque et les vibratos à l’orientale hérités du flamenco. Le mélange a donné un nouveau style de chanson, facilement mémorisable, qui dépasse désormais largement la sphère gitane et touche le grand public. La consécration est venue lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Barcelone en 1992. À cette occasion, le monde entier a découvert, la version rumba décapante de All My Loving (des Beatles) par Los Manolos et la chanson gitane de Peret Barcelona Tiene Poder, traitées à égale importance que la chanson « Barcelona » du duo constitué par la soprano Montserrat Caballé et le chanteur de Queen Freddy Mercury.

La Nova Cançó (nouvelle chanson catalane)

Les Catalans sont très attachés à leur différenciation culturelle par rapport au reste de l’Espagne et lorsque les artistes chantent en catalan, il s’agit d’une manière pour eux de revendiquer leur identité. Dans les années soixante, la Nova Cançó s’est ainsi appuyée sur l’utilisation du catalan, malgré le contexte franquiste. De ce mouvement sont nées de grandes figures de la chanson catalane, Maria del Mar Bonet, Raimon, mais surtout Lluís Llach, un auteur et interprète très engagé au début de sa carrière. Ses chansons ont gagné en popularité, alors que leurs thèmes devenaient plus poétiques. Il a ainsi mis en musique de nombreux poèmes catalans. Son morceau le plus connu est L’Estaca, devenu l’hymne non officiel du syndicat polonais Solidarnosc, mais aussi l’hymne officiel du club de rugby USAP Perpignan. Entre 2015 et 2017, il a aussi été député au Parlement de Catalogne après s’être présenté au sein de la coalition indépendantiste Junts pel Sí.

Autre célébrité, Joan Manuel Serrat, connu en Espagne, mais aussi dans toute l’Amérique du Sud, ne se cantonne pas à un style précis : folklore catalan, tango, boléro ou chansons populaires d’Amérique latine. Sa popularité va bien au-delà des frontières espagnoles et des artistes cubains lui ont même dédié un disque.

La scène rock catalane

La plupart des peuples ont vu éclore des groupes de rock qui ont influencé toute une génération. Ce qui différencie la Catalogne des autres régions vient du lien étroit existant entre le développement du rock catalan et la métamorphose politique du pays à l’œuvre lors de la sortie du franquisme. Pendant longtemps, le rock s’est écrit en anglais ou en espagnol, mais pas en catalan. Lorsque les groupes locaux ont pris le pari de chanter dans leur propre langue, ils ont immédiatement connu un formidable succès public, encouragés dans cette voie par le gouvernement de la Catalogne. Aujourd’hui, la pop et le rock indie chantés en catalan ont une place de choix dans le panorama musical, avec la pop-folk de Manel, la pop du groupe majorquin Antonia Font ou encore Mishima qui avait commencé en produisant deux albums en anglais avant d’écrire exclusivement en catalan. Le rock d’origine catalane a une identité qui lui est propre et ce, malgré tous les risques qu’implique la composition artistique dans une langue vernaculaire.

La scène musicale locale est dense et de nombreux groupes catalans trustent les premières places des charts locaux. Sopa de Cabra, avait marqué les esprits avec leur chanson L’Empordà, devenu l’hymne de toute une région. De même Sau et son morceau Boig per tu a été repris par toute une génération. Aujourd’hui de nombreux groupes de pop-rock ont pris le relais, comme Els amics de les arts, un groupe barcelonais de musique folk-pop-indie aux réminiscences électroniques, autant apprécié par le public que par la critique. Quant à la musique de Txarango, elle est une fusion entre le reggae, le punk et la musique latine, héritière de la rumba cubaine. Ils ont déjà reçu deux disques d’or. Dans la même veine, le groupe Estopa mélange les genres avec succès, puisant ses sources entre la rumba catalane, le rock et le flamenco. Le succès de ces derniers a franchi les frontières puisque le groupe a énormément de succès en Amérique latine. Kaya Malayo est un groupe de ska à la musique festive, pleine de rythme et d’énergie. Le groupe Sangtraït est le représentant majeur du heavy metal catalan. Les membres d’Els Pets avaient formé leur groupe dans les années 1980 pensant que l’aventure ne durerait pas. Ils sont encore actifs aujourd’hui et leur musique aux accents pop, séduit toujours un public nombreux. Le Razzmatazz ou la Sala Apolo sont d’abord des boîtes de nuit, mais chacune d’entre elles propose aussi de la musique live. Alors, surveillez leur programmation, vous y trouverez des artistes internationaux comme des talents locaux. Pour les amateurs de jazz Jamboree et le Harlem Jazz Club, deux clubs situés au cœur du Barri Gòtic, sont des incontournables.

Toute la nouvelle scène catalane trouve aussi à se produire dans les grands festivals de l’été, au milieu des plus grandes stars internationales au Primavera Sound de Barcelone ou lors d’autres propositions artistiques. Ainsi, tous les ans, en septembre, Vic accueille le Mercat de Música (marché de musique vivante), qui permet d’écouter et de découvrir des artistes émergents pendant cinq jours de concerts. Le VIDA Festival (à Vilanova i la Geltrú) se distingue d’autres manifestations du même genre, car le festival n’est pas uniquement consacré à la musique, mais aussi propose de découvrir des productions audiovisuelles ou de l’artisanat dans les plus beaux sites de la ville, comme la Masia d’en Cabanyes et le Molí de Mar.

Si vous ne disposez pas assez de temps ou si vous n’avez pas envie de vous rendre à l’un de ces festivals, faites un détour par le Mariatchi, un bar situé dans la vieille ville de Barcelone, au coin des Carrer dels Còdols et Carrer d’en Rull. Une grande guitare colorée décore le mur, de la musique festive résonne et une banderole de Che Sudaka est fièrement arborée au mur en l’honneur du groupe composé de musiciens argentins et colombiens. Ce petit bar coloré est très fréquenté par les musiciens de Barcelone, et puis vous aurez peut-être la chance d’y croiser Manu Chao qui s’y produit régulièrement lorsqu’il n’est pas en tournée.