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Autoportrait par Vincent Van Gogh, Huile sur toile, 1889 © Collection of Mr. and Mrs. John Hay Whitney - National Gallery of Art.jpg

Une vocation tardive

Vincent Van Gogh naît le 30 mars 1853 au presbytère de Groot Zundert, dans le Brabant. Fils de pasteur calviniste et neveu de trois oncles marchands de tableaux, il est destiné au commerce des œuvres d’art et fait donc ses débuts dans la galerie Goupil à La Haye (1869), à Londres (1873-1874), puis à Paris (1874-1875). Personnage angoissé et profondément mystique, il se charge en 1878 d’une mission évangélique chez les mineurs du bassin houiller du Borinage, mission qui se solde par un douloureux échec : sa générosité, son approche fraternelle des mineurs, dont les conditions de vie le bouleversent, ainsi que son interprétation plutôt libre des Évangiles provoquent l’ire des autorités. En 1883, Van Gogh commence à étudier la peinture grâce à l’aide, matérielle, de son frère Théo et à celle, psychologique, de son cousin Anton Mauve, peintre déjà connu de l’école de La Haye, dont il intègre l’atelier. Mais Mauve et Van Gogh se disputent rapidement, en partie à cause de la relation de Vincent avec Sien Hoornik, une prostituée enceinte qui avait déjà un enfant illégitime. Van Gogh peint quelques tableaux à La Haye, mais le dessin demeure sa principale passion. Il s’inspire du modèle vivant chaque fois qu’il le peut.

L’apprentissage de Van Gogh

En septembre 1883, il décide de rompre ses relations avec Sien et de suivre les traces d'artistes tels que Van Rappard et Mauve en tentant sa chance dans la pittoresque province de Drenthe, à l'est, assez inaccessible à l'époque. Après trois mois, cependant, faute de matériel de dessin et de modèles, il est obligé de partir. Il emménage alors de nouveau avec ses parents, installés dans le village de Nuenen, dans le Brabant du Nord, près d’Eindhoven. À Nuenen, Van Gogh commence à peindre régulièrement en s'inspirant principalement du peintre français Jean-François Millet (1814-1875), célèbre dans toute l'Europe pour ses scènes rurales de vie des paysans. Van Gogh se met au travail avec une volonté de fer, décrivant la vie des villageois et des travailleurs modestes. Il produit également de nombreuses scènes de tisserands. En mai 1884, il s'installe dans des locaux loués au prêtre de l'église catholique locale, qu’il utilise comme atelier. À la fin de 1884, il s’acharne à peindre et à dessiner une série majeure de têtes et de mains de paysans en vue de la réalisation d’un tableau important et complexe. En 1885, ressentant le besoin d'une formation artistique adéquate, Van Gogh s'inscrit à l'académie d'Anvers. Il trouve les cours fastidieux, mais il est grandement impressionné par la ville et ses musées. Il tombe sous le charme de la palette et du pinceau de Peter Paul Rubens et découvre les estampes japonaises.

Ses premiers chefs-d’œuvre néerlandais

En avril 1885, ces études se concrétisent dans la réalisation du chef-d’œuvre de sa période néerlandaise, Les mangeurs de pommes de terre, que Van Gogh a toujours considéré lui-même comme sa meilleure toile. Sous une unique lampe à huile, à la nuit tombée, une famille de paysans est réunie autour d’une table et se partage un plat de pommes de terre et un breuvage noir chaud. Si les visages sont proches de la caricature, la scène est elle d’une grande sobriété et Van Gogh réussit à donner toute sa dignité à la précarité de ces paysans. Durant l'été, il continue ses études du travail des paysans dans les champs. Van Gogh ne trouve alors plus de modèles, car le prêtre interdit à ses paroissiens de poser pour lui. Il se tourne ainsi plutôt vers la peinture de paysage, inspiré en partie par une visite du Rijksmuseum, récemment inauguré à Amsterdam. Venu rejoindre son frère à Paris, Van Gogh suit des cours à l’atelier Cormon, où il rencontre notamment Toulouse-Lautrec et Gauguin et découvre aussi les travaux récents des impressionnistes Claude Monet, Paul Cézanne, Édouard Manet. Il trouve alors que la palette sombre qu'il avait développée en Hollande est dépassée. Afin de l'égayer, il commence à peindre des natures mortes de fleurs. Il cherche un langage bien à lui et cela l’amène à expérimenter des techniques impressionnistes et postimpressionnistes. Il se lie d'amitié Paul Gauguin, Émile Bernard, Paul Signac et Georges Seurat. De cette période datent différents autoportraits, réalisés avec des couleurs très claires et une touche fragmentée.

La période arlésienne, la maladie et la mort

Installé à Arles, Van Gogh travaille fiévreusement : Vue d’Arles aux iris, Les Tournesols, Les Barques sur la plage, L’Arlésienne… Sa peinture prend un tournant. Van Gogh fait tournoyer la lumière du sud de la France qui vrille sur les objets et les personnages qu’il peint. La vibration de ces toiles devient totalement maîtrisée et son style aux traits mouvants et vifs demeure inimitable. Il s’affranchit de la représentation traditionnelle au profit d’une simplification des formes et d’une palette aux tons éclatants. C’est à cette époque que sa relation avec Gauguin, venu le rejoindre à Arles, devient tumultueuse. Au cours d’une crise de délire, il se coupe un morceau d’oreille. Suivent deux séjours à la maison de santé de Saint-Rémy où il poursuit son travail : Les Blés jaunes au cyprès, Champs d’oliviers. En 1890, il revient à Paris, puis s’installe à Auvers-sur-Oise, surveillé par le docteur Gachet, ami de Pissaro et de Cézanne. De cette période, datent La Mairie à Auvers et le Champ de blé aux corbeaux où s’exprime un lyrisme dramatique. Il se suicide par balle le 27 juillet 1890. Il meurt deux jours plus tard. Théo, qui avait stocké l'essentiel du travail de Vincent à Paris, décède six mois plus tard.

Postérité de Van Gogh

Dès février 1891, sa veuve, Johanna van Gogh-Bonger (1862-1925), revient en Hollande avec la collection d’œuvres de son beau-frère, Vincent Van Gogh, et est déterminée à ce qu’il reçoive la reconnaissance qu'il mérite. Deux cents tableaux constituent cette collection, qu’elle fait assurer. En tout, ils sont estimés à 2 600 florins. Elle fera un travail acharné pour montrer ses œuvres et réunir son importante correspondance avec son frère Théo. L’année 1891 demeure une date importante pour la reconnaissance de l’artiste, car ses lettres à Émile Bernard sont publiées dans le Mercure de France. Pendant ce temps-là, Johanna van Gogh-Bonger réussit à organiser plusieurs expositions significatives de l’artiste en Hollande (La Haye, Rotterdam et Amsterdam) au point qu’au début du XXe siècle, on compte plus de 20 expositions de Van Gogh dans son pays natal. Le Salon des indépendants de 1901 marque une date décisive pour la postérité de l’artiste. C’est là qu’il est repéré par deux grands collectionneurs d’art, Ivan Morozov et Sergueï Chtchoukine. L’artiste Edgar Degas demeure l’un des premiers acheteurs de toiles de Van Gogh. En 1914, la correspondance de Van Gogh avec Théo trouve un éditeur toujours grâce à Johanna van Gogh-Bonger qui écrit une introduction au livre. Soixante-dix tableaux et une trentaine de dessins rejoignent grâce à elle le giron du Stedelijk Museum d’Amsterdam quand, quelques années après, la National Gallery de Londres lui achète au prix de 15 000 florins une nature morte de tournesols en 1924, soit cinq fois le prix initial de la collection entière de la belle-sœur qui meurt finalement en 1925. Une autre femme va emboîter le pas de Johanna Van Gogh-Bonger, la critique d’art Jacob Baart de la Faille, qui édite un catalogue raisonné en 1928. Ce succès commercial posthume ne se démentira jamais et trouve son équivalent auprès des amateurs d’art : plus de 120 000 personnes se ruent en 1930 au Museum of Modern Art de New York admirer les toiles de Van Gogh !

La création du musée Van Gogh et le succès médiatique d’aujourd’hui

Pourtant, Johanna Van Gogh-Bonger n’avait pas dit son dernier mot. Elle a religieusement conservé ce qu’elle avait de plus précieux parmi les chefs-d’œuvre de Van Gogh et un demi-siècle après sa mort, c’est son fils Vincent Willem, héritier de la fortune de la famille qui en 1973 fonde le Musée Van Gogh à Amsterdam. On peut aujourd’hui admirer les œuvres que l’artiste a peintes dans le plus grand dénuement : Les mangeurs de pommes de terre, les fameux tournesols et autres autoportraits, notamment celui qu’il a peint après s’être coupé l’oreille. Précurseur des fauves et de l’expressionnisme, ce visionnaire presque ignoré de son temps est devenu, au XXe siècle, une figure légendaire. Son œuvre, dont il souhaitait qu’elle exprime les terribles passions humaines, a trouvé de nos jours une audience rarement égalée. En 2011, l’ouvrage Van Gogh : The Life remet en question sa mort par suicide et apporte un nouvel éclairage sur la vie de l'artiste. Une biographie à lire, recommandée par le musée Van Gogh lui-même. En 2016, le livre de Bernadette Murphy, Van Gogh's Ear : the true story, dénoue, preuves à l'appui, le mystère de l'épisode de l'oreille. Récemment, le musée Van Gogh a formellement contesté l'authenticité des dessins « inédits » publiés par Le Seuil.